Chapitre 4

ma vie professionnelle

1958-1990

 

Mes études

Libéré des obligations militaire fin 1957, j’ai repris le travail au début 1958 comme dessinateur petites études.

Compte tenu de ce que BM et moi avions décidé suite à notre mariage j’ai repris les cours du soir.

BM a eu le mérite de supporter mes nombreuses soirées hors de la maison pour suivre des cours et des dimanches à faire les devoirs

En 1959 j’ai obtenu le brevet professionnel de dessinateur et j’ai été promu rapidement au poste de dessinateur projeteur 2.  A partir de 1960 j’ai suivi les cours du CNAM, mon objectif étant d’obtenir un jour un poste d’ingénieur.

Pour être ingénieur du CNAM, il fallait 5 certificats de valeur dont le certificat de mathématiques générales sur 2 ans que j’ai obtenu  en 1960 et 1961.

Puis ceux de mécanique cours et Travaux pratiques en 3 ans de 1961 à 1963

Puis ceux de physique cours et Travaux pratiques en 3 ans de 1962 à 1964.

La première année ça allait, 2 cours par semaine de 19h à 21 h

Mais lorsque je faisais en même temps les cours et TP de mécanique et physique c’était 2 jours de 19h à 21h et 2 jours de 19h à 23 h pour les TP.

Je me souviens qu’aux premiers cours de Mathématiques générales nous étions dans un grand amphithéâtre de 200 à 250 auditeurs et que 5 ans après nous n’étions plus que 4 à prétendre au diplôme.

Activités professionnelles

Les deux premières années qui ont suivi mon retour il y a eu la construction de nouveaux ateliers de production et je suis devenu responsable d’un groupe d’une dizaine de dessinateurs avec la classification de dessinateur projeteur. Puis en 1960  l’entreprise a décidé de délocaliser à terme à cause de la pollution.

L’activité du bureau d’études s’est alors orientée vers d’autres usines du groupe Nobel Bozel.

C’est ainsi que j’ai pris en charge deux projets différents de l’activité habituelle et qui,  je le pense, auront de l’importance pour l’évolution de ma carrière professionnelle.

La conception d’une machine à fabriquer des poupées en plastique.

La conception d’un pétrin de grande capacité pour la fabrication de la dynamite.

Machine de fabrication de poupées

Jusqu’à la fin des années 50 les poupées étaient fabriquées à base de nitro cellulose.

L’inconvénient de ce produit est qu’il est inflammable.

au début des années 60 avec l’arrivée du polyéthylène l’entreprise à décidé pour son usine de Seine et Marne de modifier la production.

Comme l’activité du bureau d’études de Petit Quevilly était ralentie,  j’ai été chargé d’animer ce projet avec mon équipe

C’est ainsi qu’à partir des éléments fournis par le laboratoire de recherche nous avons conçu une machine de fabrication de poupée en polyéthylène.

A partir d’une machine qui extrudait un tube de polyéthylène en continu des moules ont été mis en place en rotation sur des flasques, ces moules comportaient les formes de tête, corps et membres de la poupée.

C’était un projet très intéressant qui a été mené à bien et Martine a eu l’une des premières poupées sorties de la machine, elle se nommait Marie Françoise.

Pétrin pour fabrication de dynamite

Cet autre projet destiné à la dynamiterie Nobel située près de Honfleur consistait à concevoir un pétrin de grande capacité, 300 à 400 kg pour la fabrication de la dynamite. Il servait à mélanger de la nitroglycérine avec d’autres ingrédients.

Le challenge était d’équiper la cuve de mélange d’un bras qui devait passer à un millimètre de toute la paroi sans jamais la toucher.

C’est là que les connaissances en géométrie descriptive nous ont été utiles car il a fallu faire de nombreuses simulations pour être sûr du résultat.

je me souviens du premier essai en conditions réelles, le pétrin était dans un petit bâtiment léger entouré de murs de terre , auquel on accédait par un couloir en zig-zag d’une trentaine de mètres.

J’ai su que quelques années plus tard qu’ il y avait eu une explosion et que la production avait été arrêtée.

J’ai vite retrouvé un emploi dans une entreprise de mécanique où je suis resté quelques mois.

L’entreprise LUBRIZOL de Rouen, fabrique d’additifs pour huiles de moteurs, qui a brulé et pollué tout le Nord de la France en 2019, m’a recruté comme dessinateur.

En 1965 j’ai obtenu le 5° certificat du CNAM me permettant d’être promut ingénieur.

LUBRIZOL a décidé d’agrandir ses capacités de production et m’a confié la direction du service travaux neufs, j’ai créé un bureau d’études d’une dizaine de dessinateurs et pris la responsabilité du suivi des entreprises extérieures qui construisaient les ateliers  de production.

Je me suis mis à l’Anglais car j’avais beaucoup de contacts avec la direction de LUBRIZOL aux USA.

Après l’extension de l’usine de Rouen en 1968 la société a décidé de construire une nouvelle usine près du Havre, pour cela je suis allé passer un mois aux Etats Unis à Cleveland et Houston

 

Voyage professionnel

aux USA en 1968

Les cadres de l’entreprise étaient bien traités chez LUBRIZOL, c’est ainsi qu’avec mon collègue, chef de fabrication nous sommes partis pour un mois aux USA en Boeing 707 première classe sur Paris New York et logé à l’hôtel Hilton pour notre première nuit aux USA.

Le lendemain de New York à Cleveland en classe éco et logement au Holiday in pour la durée de notre séjour d’un peu plus de deux semaines.

Nous avons été très bien accueillis par nos collègues Américains que nous connaissions bien puisse qu’ils étaient venus assez souvent en France.

Nous avons été surpris dès le premier jour de travail, à 17 heures les femmes de ménage nous demandaient de bien vouloir quitter le bureau.

Nos collègues nous ont souvent invités dans leur famille et aussi fait participer à des cocktails où eux-mêmes étaient invités.

Comme on avait mis à notre disposition une voiture nous avons pu aller voir les chutes du Niagara pendant un WE.

Du passage à Cleveland j’ai retenu lors d’une soirée chez un collègue sa grande baie vitrée qui donnait sur le la Erié et je me suis dit à l’époque que si un jour je faisais construire je ferai la même chose dans mon salon, vous comprenez pourquoi il y en a une à Molliens qui donne sur le jardin.

La deuxième partie de notre séjour s’est passée à Houston où LUBRIZOL avait une usine identique à celle que nous devions construire près du HAVRE.

Le directeur de cette usine était l’ancien responsable des travaux neufs aux US et je le connaissais bien.

Il habitait dans un quartier résidentiel de la banlieue et avait pour voisin un astronaute.

Il nous a fait visiter une partie de la NASA et nous avons vu les exercices d’arrimage entre la capsule et le module LEM qui un an plus tard allait se poser sur la lune.

Après être repassé par Cleveland et NEW YORK nous sommes rentrés à Rouen.

Avant de quitter les USA j’avais acheté des talkies walkies pour les enfants et des balles rebondissantes qui remontaient très haut. C’était une innovation à cette époque

MON RECRUTEMENT CHEZ ASTRA CALVE

Après avoir répondu à une annonce,  j’ai été convoqué au siège d’Unilever France, un grand immeuble du quartier de la Défense à Paris.

Reçus pour l’après midi, nous étions une dizaine de candidats

J’entre en réunion dans une grande salle, nous sommes accueillis par le directeur de l’usine d’Astra Calvé, le directeur industriel et le DRH de Unilever.

Le DRH nous renseigne sur le groupe Unilever, maison mère en Hollande, Unilever France production de produits alimentaires et de lessives, une dizaine d’usines en France, 400 cadres qui suivent une formation continue.

Il précise aussi la classification du poste à pourvoir « cadre supérieur » et le salaire annuel proposé.

Celui –ci correspond ont à environ 30% de plus que mon salaire chez Lubrizol.

Le directeur d’usine nous explique que la société Astra Calvé va lancer la ligne de produits FRUIT D’OR et qu’il faut construire des lignes de production.

Le directeur industriel décrit l’usine d’Asnières, 600 personnes dont 40 cadres, et qu’il lui faut renforcer le service et recruter un ingénieur responsable des travaux neufs pour prendre la direction du nouveau projet.

L’objet de cette première réunion, il y en aura 3 pour une trentaine de CV retenus, est de faire la connaissance des candidats. Il est demandé aux candidats de se présenter en 15 à 20 mn et de faire part de leur expérience.

J’écoute les premiers candidats se présenter et je constate qu’il s’agit d’ingénieurs de Centrale, Polytechnique, HEI, Supelec etc…   Et je me suis dit « qu’est-ce que je viens faire dans cette galère ».

Comme il fallait improviser et tenir un quart d’heure, j’ai expliqué mon expérience professionnelle, dessinateur, responsable des études de construction d’ateliers de production, les projets de construction de machine de fabrication de poupées, de pétrin pour la fabrication de dynamite, de mon voyage aux USA, et pour meubler de ma visite de la NASA, c’était très d’actualité car l’homme venait de faire ses premiers pas sur la lune.

15 jours après, à mon grand étonnement, nouvelle convocation et nouvelle réunion, sur les 30 candidats il en restait 10 en lisse. Cette fois c’était très différent, discussion ouverte entre les candidats sur des thèmes définis par les animateurs, politique, gestion de ses collaborateurs, présentation de l’entreprise dans laquelle on travaillait.

Encore 15 jours après j’étais à nouveau convoqué et cette fois pour la journée et à l’usine d’Asnières.

Reçu par le directeur de l’usine et le directeur industriel on me fait visiter l’usine, rencontrer les 3 responsables des unités de fabrication et le service que j’aurais à diriger

Le midi déjeuner au restaurant des cadres de l’entreprise, cela ressemblait à un vrai restaurant, une dizaine de tables rondes de 4 places, mais ce jour-là je déjeune avec mes hôtes dans une petite salle de réception séparée.

Le personnel était en tenue, comme dans un restaurant et avant le repas le chef est venu nous proposer 2 choix différents pour l’entrée, le plat de résistance et le dessert. C’était très class.

La semaine suivante je reçois une lettre d’engagement, je n’aurais jamais pensé 2 mois avant en arriver là.

 Sans doute que mon expérience de praticien a joué en ma faveur.

L’usine d’Asnières traite des produits agricoles locaux mais aussi des matières premières exotiques. Cette puissante usine de margarine qui est, non seulement la première en France (75% de la production), mais aussi la plus moderne d’Europe. Elle reçoit les graines oléagineuses par voie d’eau (coprah, palmiste, soja) ou par la route (colza, tournesol) Les graines sont stockées dans d’immenses silos et sont dirigées suivant les besoins vers la presserie ; l’huile brute est ensuite raffinée. La fabrication de la margarine se fait enfin par le mélange d’huiles raffinées, d’eau, et de lait. Pour une fabrication de 150 tonnes par jour, 1100 personnes sont employées dans cette usine.

Quand tout cela a été opérationnel mon job était beaucoup moins intéressant, d’autre part l’ambiance n’était pas très bonne, la plupart des cadres étaient des ingénieurs sortant de Centrale ou de l’école supérieure de chimie et c’était une sorte de caste dont je me sentais exclu.

Le bénéfice que j’ai eu de ce passage chez Unilever a été d’avoir eu une belle carte de visite professionnelle

Comme je ne me voyais pas finir ma carrière dans le groupe Unilever, j’ai feuilleté à nouveau les annonces de l’usine nouvelle.

Une première touche assez sérieuse s’est présentée, à la CFR près du Havre, cette grande raffinerie de pétrole. Les pourparlers sont allés jusqu’à mon engagement, on avait même visité une belle maison dans le centre du Havre que l’employeur me proposait d’occuper gratuitement. Verbalement tout était OK puis brusquement ils ont décidé de suspendre le recrutement.

Quelques semaines après, j’ai trouvé un poste à pourvoir à Tourcoing chez LAMY LUTTI et c’était tout à fait différent.

Cette entreprise d’environ 400 personnes avait été crée et était gérée par un patron qui était un ancien pâtissier.

Elle était déjà bien structurée, 3 usines sur Tourcoing et une 4° qu’il venait de racheter.

Mon job consistait à réorganiser toute la partie industrielle de production et j’étais l’adjoint du directeur général entré quelques années plus tôt.

La méthode de travail n’était pas la même que chez Unilever, le patron fixait des objectifs et j’avais toute liberté d’action, en rendant compte bien sûr.

Le style était tout à fait différent de ce que j’avais connu avant, tenue correcte exigée pour les cadres de direction (costume 3 pièces). Deux des quatre directeurs des usines étaient des fils de familles du Nord qui en étaient auparavant propriétaires, il fallait donc les manier avec précaution.

J’ai donc été chargé de la modernisation de la production, secondé par 3 agents de méthodes autrement je faisais appel à des entreprises extérieures. Cela a duré de 1973 à 1980.

Notre patron a vendu son entreprise au groupe américain Campbel-soup et nous nous sommes retrouvés sous la tutelle d’une filiale Belge (continental Foods)

L’entreprise a commencé à péricliter, Il y a eu aussi les nouvelles dispositions prises par Mitterrand concernant le départ en retraite anticipé à 55 ans ce qui fait que l’équipe de direction a été renouvelée avec un nouveau directeur général (ancien directeur de marketing)

On m’a confié en plus de la direction technique, la direction des achats, la recherche et le développement et la logistique.

Comme l’entreprise était en difficulté, pas d’augmentation de salaire, mais un système de prime commune à l’équipe de direction.

Le principe était qu’en fonction des résultats nous aurions en fin d’année une prime proportionnelle.

Cela a bien marché, et quelle différence avec avant. Par exemple si je trouvais une matière première moins chère dans le cadre des achats je proposais aux directeurs d’usines concernés de faire des essais industriels et c’était souvent concluant alors que quelques mois avant cela n’était pas possible. Bref après 2 ans nous avons touché en primes 3 mois de salaire et l’entreprise a pris en charge tous mes frais de voiture.

En 1988 nouvelle orientation, la direction a décidé de construire une nouvelle usine regroupant les 4 usines existantes et j’ai été chargé du projet. Cela a été une nouvelle expérience,  j’ai rencontré les maires de plusieurs villes de la région, Lens, Valenciennes, Mouscron en Belgique et négocié les propositions d’aide à l’investissement.

En définitive c’est Bondues, près de Tourcoing, qui a été retenue, c’est là que nous avons eu la presque meilleure proposition d’aides et j’en étais très content car le personnel de l’entreprise n’était pas pénalisé par un déplacement.

Ensuite j’ai été chargé de rechercher le cabinet d’engineering qui piloterait le projet. Cela a été pour moi l’occasion de visiter plusieurs réalisations récentes qui servaient de référence.

En 1990 le projet a été lancé de manière définitive et il m’a été confirmé que j’en prenais la responsabilité en plus de la direction des achats.

J’ai donc demandé à mon directeur général de revoir mon salaire et que les primes de fin d’années soient intégrées à mon salaire. Il m’a fait miroiter que je doublerais sans doute mes primes, mais cela était des promesses verbales. J’ai fait part de mon désaccord, il l’a mal pris si bien que j’ai quitté mon emploi à 56 ans avec une prime de départ qui me maintenait mes revenus jusqu’à 60 ans.

Bien m’en a pris, je crois car 2 ans après j’ai su que l’entreprise était de nouveau en difficultés et que le directeur général avait été licencié.