Chapitre 2

notre jeunesse

1951-1958

 

Comment j’ai rencontré Bonne Maman

 l’amour de ma vie

Au bout de la rue où j’habitais il y avait une caserne et BM habitait à l’époque juste en face de l’autre coté de cette caserne. D’autre part lorsque que j’étais au collège je déjeunais chez ma grand-mère près de la place ST Clément et bonne maman y passait chaque jour  pour aller travailler. Je n’avais pas été sans remarquer cette belle fille qui passait chaque jour sous les fenêtres de ma grand-mère sur son vélo vert et avec son imper couleur mastic.

En1951 BM travaillait dans une école de secrétariat à Rouen, et la sœur de l’un de mes copains y était élève. J’ai dit à ce copain que BM me plaisait bien, il l’a répété à sa sœur qui l’a dit à BM et je suppose qu’ elle lui a sans doute répondu que je ne lui étais pas indifférent et en ayant eu l’information en retour j’ai abordé BM dans la rue,

Cela a commencé par un flirt, après quelques semaines BM a décidé d’arrêter, j’ai essayé de me consoler ailleurs mais j’étais toujours amoureux d’elle, je suis donc retourné la voir et elle a accepté de me garder définitivement. C’est comme cela qu’est né un grand amour qui dure depuis plus de 70 ans

Avant de concrétiser tout cela il fallait que je fasse mon service militaire et à l’époque je n’avais que 17 ans et bonne Maman 16 ans. Nous nous sommes fiancés un an après et nous avons attendus la fin de mon service militaire en Algérie pour nous marier en 1958

A partir du moment ou nous savions que notre rencontre  c’était du sérieux, nous en avons informé nos parents et vivions scotchés l’un a l’autre.

Tous les matins et tous les après midi BM venait me conduire jusqu’à mon lieu de travail, puis repartait à Rouen sur son vélo.

Le soir je prenais un premier repas avec mes parents et sitôt terminé j’allais chez les parents de BM, quelquefois même j’y prenais un second repas et nous passions la soirée ensemble. Le samedi et le dimanche nous allions faire des ballades avec ma Vespa et aussi des sorties avec les copains.

Cela a duré jusqu’à mon départ au service militaire en Algérie en 1955

Ces copains là vous les connaissez bien ils se sont rencontrés par notre intermédiaire lors d’une balade un dimanche après midi ou BM avait invité Paulette et moi invité Pierre,

En fin de compte ils se sont mariés avant nous, Pierre était libéré de ses obligations militaires.

C’est une période dont je n’aime pas trop parler car c’est sans doute la plus mauvaise de ma vie.

Il s’y passa des évènements qu’il est plus facile d’écrire que de raconter.

Début septembre 1955 j’ai dû partir pour le service militaire et j’étais triste car je devais quitter ma chérie.

Une semaine après j’étais à Blida en Algérie incorporé dans un régiment de tirailleurs Algériens.

Ce fût d’abord la période des classes, 3 mois d’entrainement intensif, 10 à 15 km à pied chaque jour et même jusqu’à 40 km dans le djebel.

Je suis sorti de cette période avec le grade de caporal-chef.

J’ai ensuite été affecté à Chanzy à une vingtaine de km de Sidi bel Abbes dans l’Oranais à la compagnie de commandement du 2° régiment de tirailleurs.

La vie y était encore moins drôle, cette compagnie, d’une centaine de soldats était composée de 90 Algériens, 6 pieds noirs et 4 métropolitains.

Comme il y avait des désertions, les postes de garde étaient doublés, un Algérien et un européen ce qui faisait qu’une nuit sur deux j’étais de garde 2 fois 2 heures.

La fatigue se faisait durement sentir d’autant plus que dans la journée il fallait assumer les opérations.

Nous étions aussi soumis à une action psychologique de la part de la hiérarchie, j’y ai toujours heureusement su y résister et peut être que cela m’a rendu service  plus tard dans ma vie professionnelle.

En Algérie il y avait des zones interdites où personne ne devait circuler et l’armée tirait à vue sans sommation sur tous ceux qui s’y trouvaient.

Il y avait des fellagas qui étaient capturés au cours des opérations de nettoyage, ils étaient durement interrogés par le 2°bureau, ensuite pour ne pas laisser de traces ils étaient emmenés en zone interdite pour y être exécutés, ce que l’on appelait « les corvées de bois »

Pour y participer il fallait des volontaires, et c’est là que l’action psychologique montrait ses effets.

La plupart de mes collègues, je n’ai jamais pu les appeler mes amis, y ont participé, pour ma part j’ai toujours résisté à cela et je m’en félicite.

Vous comprendrez pourquoi je n’ai aucun copain de l’armée.

 

J’ai été libéré de mes obligations militaires en novembre 1957 et pendant cette période de 27 mois je n’ai eu que 2 permissions de 15 jours pour venir voir ma famille et ma chérie, nous nous écrivions chaque jour, ce qui faisait que nos liens étaient très étroits.

Grace aux cours du soir, j’ai obtenu en 1952 le CAP de dessinateur industriel et j’ai été engagé, tout en bas de l’échelle comme dessinateur détaillant par l’entreprise BOZEL MALETRA  à Petit Quevilly, une grosse usine de produits chimiques (plus de 1000 personnes)

cette usine fabriquait des produits très polluant avec lesquels j’étais en contact journellement. Avec tout ce que j’ai respiré à cette époque, je dois être un miraculé d’être encore en vie.

Parallèlement je suivais les cours du soir pour préparer le brevet professionnel de dessinateur, cela à complété mes connaissances et m’a permis d’être promu dessinateur de petites études avant de partir au service militaire obligatoire en septembre 1955

Comme je l’ai déjà évoqué, j’ai travaillé dans une atmosphère très polluée et j’ai retrouvé la liste des produits qui étaient fabriqués dans l’usine à l’époque.

Pour chaque atelier de fabrication la plus petite pièce faisait l’objet d’un plan de détail et c’est ce que je dessinais.

Je me souviens avoir participé à l’élaboration de l’atelier de production de sélénium.

Dans notre service il y avait toute une hiérarchie depuis les ingénieurs de travaux neufs, les dessinateurs projeteurs, d’études ,de petites études, d’exécution et détaillants. j’ai commencé au bas de l’échelon.

Dans le bureau d’études nous étions une trentaine de dessinateurs.

L’ingénieur en chef et son adjoint passaient chaque matin pour vérifier l’avancement de notre travail.

C’étaient des fils de famille

L’ingénieur en chef Mr de la Piquerie venait de l’école Polytechnique

Son adjoint Mr Duplessis d’Argentré sortait de l’école Centrale

Les matières premières utilisées sur l’ancien site Malétra étaient de la pyrite, du soufre, des minerais de cobalt et de nickel et des sels marins. Ces matières premières étaient transformées pour fabriquer :

  • de l’acide sulfurique et du sulfure de sodium destinés aux industries textiles, tanneries, teintureries et papeteries ;
  • de l’acide sulfureux utilisé dans les industries sucrières et pétrolières et en viticulture ;
  • de l’hyposulfite destiné aux industries pétrolières ;
  • des oxydes de sels et de cobalt destinés aux industries d’émaillerie, de faïencerie et fabrication de couleurs ;
  • des produits arsenicaux et anticryptogamiques destinées aux industries pharmaceutiques, à l’agriculture ;
  • de l’acide chlorhydrique et de l’acide nitrique pour la métallurgie ;
  • de la soude utilisée dans la fabrication des lessives ;
  • des superphosphates ou engrais pour l’agriculture ;
  • du sélénium pour l’armement ;
  • du Borax, une espèce minérale de borate de sodium hydraté utilisé dans la fabrication de savons.
  • Comme dessinateur, j’allais journellement dans les ateliers pour faire des relevés afin d’établir des plans pour leur transformation.Il nous arrivait quelquefois de suffoquer en rentrant au bureau et l’on respirait de l’éther pour reprendre nos esprits.Quand je me remémore tout cela je me dis que je suis né sous une bonne étoile car j’ai la chance à bientôt 90 ans d’être encore là et en bonne santé
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